Qui est ce ?

Non, désolé, pas d’article sur Loup Solitaire cette fois-ci. Je suis en vacances !

Et comme je suis en vacances et loin de chez moi, je me suis retrouvé avec un “Qui-est-ce ?” entre les mains. Si vous ne vous en souvenez pas, rapidement, le principe du jeu:

  • Chaque joueur a 24 tuiles représentant chacune un des personnage du jeu
  • Il a une autre tuile qui le représente
  • Il doit deviner quel est le personnage de l’autre joueur au moyen de  questions sur l’apparence du personnage permettant une réponse du type Oui/Non (exemple: Joueur 1: “Est il chauve?”. Joueur 2: “Non”. Le joueur 1 abat toutes les tuiles de personnages chauves).

En observant les différentes tuiles, j’ai vu 19 individus de sexe mâle, et 5 de sexe femelle. Réflexion interne immédiate: “Un peu sexiste, ce jeu !” (et je n’ai pas été le seul, visiblement). Puis j’ai compté le nombre d’yeux bleus. 5. Le nombre de personnes frisées. 6.

Et j’ai compris 2 choses:

  • que le sexe n’est qu’une caractéristique du jeu
  • que le jeu est, à sa manière, bien réfléchi.

Je comprends complètement le problème rencontré par la petite fille de 6 ans qui a écrit à Hasbro pour se plaindre du manque de femme, mais je ne compte pas rentrer dans cette polémique. Cet article est purement orienté game-design et statistiques.Après avoir fait mes calculs de mon côté, un peu de recherche (ok, la page française de wikipedia sur Qui-est-ce?) m’a permis de tomber sur cet article qui explique déjà une bonne partie des statistiques associées. Je vous conseille d’aller le lire plutôt que d’en faire une redite, moi, je vais en résumer les éléments importants et creuser un peu.

  1. Le but du jeu étant d’identifier une et une seule carte, à chaque tour, on essaye d’abattre le plus de tuiles, donc de trouver LA question qui permet d’éliminer un maximum de tuiles
  2. Ceci s’obtient au moyen de la formule (N: le nombre de personnage encore debout présentant la caractéristique , R: le nombre de tuiles encore debout)
  3. Cette formule atteint son maximum quand N = R/2, c’est à dire qu’on divise par 2 le nombre de tuiles restantes.

L’auteur a en plus étudié chaque personnage et leur caractéristique, m’épargnant de le faire (MERCI !). Même si son jeu diffère du mien (j’ai plus de diversité raciale dans le mien), le principe reste le même. Les différentes caractéristiques (il en identifie 22) apparaissent sur 1 à 8 personnages => Au début du jeu, aucune caractéristique ne permet de coucher la moitié des tuiles. Dans un jeu à parité respectée, la question du sexe serait donc automatiquement la 1ère (elle l’est apparemment souvent quand même), ce qui laisserait 12 tuiles, réduisant sévèrement la durée moyenne d’une partie, mais aussi la capacité des gens à prendre une décision (vous savez, cette notion de choix intéressant qui me tient à cœur).

Pour moi, le fait d’avoir des caractéristiques présentes de manière inégale dans la population permet justement d’avoir un jeu avec des émotions. Bien que basé énormément sur la chance, quand on couche beaucoup de tuiles, on a l’impression d’avoir joué un super coup. Si on sait que de toute manière, on va coucher la moitié des tuiles présentes, le jeu n’en est pas un.

Après, il y a malheureusement un chemin optimal (oui, oui, autre notion qui me tient à cœur) dans le jeu, même si il demande beaucoup d’attention et de calcul (il a été dessiné dans l’article que j’ai déjà indiqué).

A chaque tour, il faut:

  • Compter le nombre de tuiles restantes
  • Compter le nombre de fois où chaque caractéristique est encore visible
  • Identifier la ou les caractéristiques maximisant le nombre de tuiles couchées

Vous noterez que je n’ai pas dit “choisir la caractéristique apparaissant encore le plus grand nombre de fois”. Pourquoi? Regardez le graphique ci-dessous:

  • Chaque ligne représente le nombre de fois où une caractéristique apparait sur une tuile visible.
  • En abcisse (la ligne horizontale…), le nombre de tuiles encore visibles.
  • En ordonnée, le nombre de tuiles qu’en moyenne la question sur la caractéristique va permettre de coucher.
  • Les petits carrés représentent la zone où la caractéristique la plus présente devient moins intéressante qu’une caractéristique un peu moins présente.

Ainsi, s’il reste 14 tuiles visibles, et qu’une caractéristique apparait 8 fois et une autre 7, la 1ère supprimera en moyenne 6.86 tuiles, la 2è 7 tuiles en moyenne (cette situation particulière étant impossible avec la configuration des personnages dans le jeu). Il est donc plus intéressant de demander si le personnage présente la caractéristique apparaissant 7 fois.

Ah, d’ailleurs (et c’est pour ça que la formule commence par une multiplication par 2), les questions sur une caractéristique sont totalement symétriques: qu’on demande si un personnage a les yeux bleus ou s’il a les yeux marrons, au final, on aura éliminé exactement le même nombre de tuiles (soit tous les yeux bleus, soit tous les yeux marrons). La façon dont on pose la question n’a donc pas d’importance.

Dernier élément: et votre carte à vous? Est-ce qu’elle vous aide en quoi que ce soit?

Oui. Légèrement. Vous pouvez supprimer ce personnage de vos 24 suspects dès le début de la partie, ce qui vous ramène à 23. Et du coup, vous supprimez ses caractéristiques de la liste globale, ce qui peut altérer l’ordre optimal dans lequel poser ses questions.

Et si votre adversaire fait exactement la même chose, vous pouvez peut-être déduire de ses questions les caractéristiques qui sont devenues moins présentes.

En résumé, bien que malheureuse, la non-parité du jeu participe à en faire un jeu un minimum intéressant, et la non-égalité de l’occurrence de chaque caractéristique crée un chemin optimal.

Mais elle permet d’occuper une soirée en famille, et une après-midi en solo pour le décortiquer !

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