Mise à la page

S’il y a une chose que j’aime à peu près autant que les jeux vidéo, c’est la lecture. Livres, Bandes Dessinées, Mangas, Comics, je dévore. Entre autres, un truc apparu y a 10-12 ans: les webcomics, qui ont démarrés comme strips à la Calvin & Hobbes ou Dilbert, et qui ont évolué pour parfois raconter des histoires géniales sur plusieurs années (je recommande Order of the Stick si l’anglais et les références au JdR Donjons et Dragons pendant les 100 premiers strips ne vous rebute pas: des simples aventures d’un groupe de héros dysfonctionnels, on arrive à une histoire épique de sauvetage du monde avec retournements de situations et adversaires… Uniques).


Mais un truc que j’apprécie par dessus tout, c’est quand un artiste sort des sentiers battus, repousse les limites classiques de son medium. Par exemple, dans la mise en page.

La mise en page classique et basique d’une bande dessinée, c’est des cases carrées, à peu près de la même taille sur une ligne comme on peut le voir ici (j’en profite pour vous conseiller El Goonish Shive, un webcomic dont l’un des héros est un savant fou de 15 ans, un autre fait des arts martiaux de l’Ecole des Mangas et une héroïne est une femme-écureuil. C’est souvent très drôle, et les histoires sont bien menées). Les dites lignes pouvant bien sur remplir la page (Oui, c’est le même webcomic. Il a fait des progrès, hein?).

Vient l’étape 2, très très utilisée dans les comics et les mangas: les cases sur une même ligne n’ont plus la même taille, et une ligne peut aller empiéter sur le territoire d’une autre. C’est très intéressant en termes de dynamique. La case accompagne le personnage ou le paysage représenté et accentue l’action effectuée. La charge du démon dans la grosse case a cet effet parce qu’elle est comparée à la taille et à la forme des autres. Pris tout seul, c’est juste un démon qui charge. En faisant Roar.

Ça reste un beau démon, mais l’effet n’a pas la même puissance.

Les cases n’ont même plus à être carrées, en fait. Je pense que vous avez suffisamment le de mangas pour voir des cases en diagonale par ci par là, pour marquer l’intensité, la volonté d’un personnage, ou juste une attaque particulièrement violente. Turf, dans la Nef des Fous, va même encore un cran plus loin en accompagnant le déplacement des personnages, comme par exemple dans cet immense escalier (cliquez pour la page entière) pendant une page entière:

La mise en page donne une impression de longueur, donne un décalage à la scène, un effet déstabilisant. On remarquera le travail sur les bulles de conversation qui se décalent graduellement vers la droite pour ne pas perdre le lecteur.

Jusque là, c’est du classique, peut-être un peu poussé.

Et puis il y a l’utilisation des cases de manière méta. La case est une limite et l’auteur la brise pour une image. C’est, littéralement, la fin d’une dimension.

Les strips qui suivent ce moment sont assez surréalistes, et les cases deviennent successivement des portails, des objets sur lesquels s’appuyer, avant de finalement reprendre leur place quand la transition dans un univers “normal” se fait à nouveau.

A peu près 2 ans plus tard, l’auteur utilise cette séparation case/histoire pour montrer la descente aux enfers mentale d’un personnage. La grande “case” dans laquelle le personnage se trouve n’a pas de bords définis. Techniquement, elle n’existe donc pas. L’oeil se concentre donc sur lui, puis sur toutes ces cases qui l’entourent, entourées de noir et directement liées à lui. Elles représentent des souvenirs, des doutes qui l’enchaînent peu à peu (strips suivants).

Un peu plus tard, les personnages affrontent la source de ces hantises mentales. Cette fois, les cases représentent la réalité physique, l’absence de cases le domaine mental. On voit les conséquences du deuxième dans le premier. Les bords, eux, représentent la “puissance” des forces en présence. Dans le strip lié, le combat s’engage. Dans le suivant, le côté obscur des cases prend le dessus, et le renversement est progressif. D’ailleurs, en contrepoint à la descente aux enfers dont j’ai parlé avant, les cases redeviennent soudainement des souvenirs, mais positifs cette fois. Ils ne sont plus liés au personnage, mais à son adversaire, lui permettant de le vaincre. La réapparition des cases par la suite est un retour au monde normal…

Faites moi penser à vous parler une prochaine fois de House of Leaves, ou de la série des Thursday Next de Jasper Fforde pour des utilisation de mise en page, mais dans des romans cette fois.

Et n’hésitez pas non plus à me donner d’autres utilisations intéressantes de cases. Comme je l’ai dit, j’en suis friand !

 

4 Responses to “Mise à la page”

  1. Pollux says:

    Je me souviens d’un vieux jeux vidéo sur megadrive je crois qui jouai avec les deux monde réel et à l’intérieur de la BD avec des cases avec lesquelles tu pouvais interagir il était bien sympa mais dur. Une idée du nom?

  2. Pollux says:

    C’est ça !! Il est trop fort tu y a joué?

  3. Modran says:

    Non, malheureusement. Je crois que tu m’en avais déjà parlé, d’ailleurs :). Je me souviens que le concept était sympa.
    http://www.youtube.com/watch?v=azIZwsCGjW0
    J’aime bien le fait de se déplacer de cases en cases, et de parfois les transpercer.

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